A l’occasion de la journée mondiale de l’eau, en mars 2024, Samuel Bonvoisin est invité au lycée agricole du Neubourg (27) pour y donner une conférence : « Et si on pouvait cultiver l’eau ? ». Il explique alors :
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Les cycles de l’eau et l’origine de la pluie
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Les causes de dégradation des cycles de l’eau
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Les principes de l’hydrologie régénérative
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Le changement d’échelle pour la conception de paysage à l’échelle du territoire
Il décrit la différence entre ce qu’on appelle l’eau verte et l’eau bleue, la première étant issue de l’évapotranspiration des végétaux, et la seconde de l’évaporation de l’eau liquide (océan, rivière, lacs, etc.). Plus de la moitié des précipitations continentales provient de l’évapotranspiration des plantes et des sols. Lorsque le cycle de l’eau verte fonctionne correctement, une même molécule d’eau peut être recyclée 5 à 6 fois avant de retourner dans l’océan. Mais les pratiques humaines ont « cassé » ce cycle-là.
Comment on a cassé les cycles de l’eau ?
Le remembrement agricole, causant la suppression de haies, de marres, d’étangs et de zones humides, a réduit l’infiltration de l’eau dans le sol. Les pratiques agricoles des dernières décennies ont entraîné une perte rapide de sol et de matière organique. En 1950, les sols en France avaient un taux de matière organique de 4 % en moyenne, alors qu’on n’est plus qu’à 1,5 % en 2023. La matière organique joue un rôle essentiel dans le stockage et l’infiltration de l’eau : 1 % de matière organique dans 15 cm de sol/ha permet de stocker 250 m³ d’eau /ha. En parallèle, la vision de l’eau comme une source de problème s’est généralisée en agriculture, avec le drainage massif des parcelles. Aujourd’hui, 10 % de la SAU française est drainée. Enfin, le recalibrage et la rectification des cours d’eau est une autre cause de dégradation des cycles de l’eau évoquée par Samuel Bonvoisin.
Comment est formée l’eau ?
Par l’hétérogénéité des paysages, autrement dit des paysages rugueux ou « en boîtes à œufs », qui favorise la condensation de l’eau.
La bactérie Pseudomonas syringae vit à la surface des feuilles des végétaux et facilite la formation des nuages et la formation des pluies. En effet, 70 à 100 % de gouttes de pluie, flocons de neige ou cristaux de glaces sont formés à partir d’un noyau de condensation biologique.
Dans les systèmes forestiers multi-étagés, l’activité de condensation peut permettre de recycler autant d’eau que l’ensemble des précipitations de l’année. Dans une forêt, les arbres de la canopée échangent des sucres avec les plantes de sous-bois qui ont peu de possibilités de faire de la photosynthèse. Le maintien des plantes de sous-bois, dites aussi plantes condensatrices, permet de recycler de l’eau et de maintenir un haut niveau d’humidité dans les forêts, ce qui profite aux plantes de canopée.
L’hydrologie régénérative
L’hydrologie régénérative, c’est la science de la régénération des cycles de l’eau douce par l’aménagement du territoire. Elle s’appuie sur l’idée que la gestion de l’eau n’est pas qu’une question de partage où la quantité d’eau disponible serait une donnée fixe. On a le pouvoir de régénérer les cycles de l’eau. P. A. Yeomans, agriculteur en Australie dans les années 70, invente des outils pour inverser la tendance de dégradation des cycles. L’échelle de la permanence est créé pour déterminer quels sont les éléments qui assurent la permanence, la durabilité de nos systèmes. Il classe différentes pratiques selon leur impact sur la résilience globale de l’écosystème. Deux stratégies sont possibles : la stratégie d’adaptation et la stratégie de régénération. La deuxième est selon Samuel Bonvoisin une stratégie de long terme vers laquelle il faut aller.
Les quatre principes de l’hydrologie régénérative sont :
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Ralentir l’eau
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Infiltrer
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Stocker l’eau dans le paysage
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Evapotranspirer
Dans la pratique, on distingue la gestion horizontale de l’eau, qu’il faut ralentir, et la gestion verticale, qu’il faut accélérer.
Des exemples de paysages régénératifs
L’enherbement, l’agriculture de conservation des sols, l’agroforesterie sont des exemples de pratiques régénératives. Samuel Bonvoisin explique également le Keyline design : on cherche à cultiver selon les lignes de niveau. Les baissières utilisent les pentes pour créer des retenues d’eau qui permettent une meilleure infiltration de l’eau. De même, les terrasses ou les bassins d’infiltration cherchent le même effet : la déconnexion des chemins artificiels du réseau hydrographique « naturel ». On cherche à infiltrer l’eau. Le reméandrement des cours d’eau et la restauration des zones humides sont aussi des pratiques régénératives. Dans les villes, l’objectif et de recréer des lieux d’infiltration de l’eau, et des lieux d’évapotranspiration.
Changer d’échelle
En Slovaquie, sur la région de Kosice, un plan de restauration a été voté et mis en place sur 10 ans pour mettre en place à l’échelle du territoire des pratiques d’hydrologie régénérative.
En France, un plan d’action de régénération des petits cycles de l’eau est mis en place sur le bassin versant du Bost dans la Drôme.
Le castor est aussi un allié pour lutter contre le réchauffement climatique en permettant de ralentir l’eau, de l’infiltrer. Au début du XIXe siècle, le castor était présent sur 98 % du territoire français. L’éradication du castor par l’industrialisation a entraîné la pandémie du crétinisme, dû à un déficit en iode dans l’alimentation.
En 2022, l’association Pour une Hydrologie Régénérative a été créée.
N’hésitez pas à contacter Samuel Bonvoisin pour plus d’informations : contact@samuelbonvoisin.fr