Macérations d’ail et extraits fermentés d’ortie en grandes cultures, Antoine et Guillaume Chédru

 

Au sein du GIEE Sol en Caux, en Normandie, des essais de macérations ont été menés par les agriculteurs volontaires. Depuis 2016, Antoine et Guillaume Chédru ont mis en place des essais sur leur ferme en agriculture de conservation des sols, après leur formation avec Eric Petiot, spécialiste de « soigner les plantes par les plantes ». Les deux agriculteurs reviennent ici sur leur démarche, les méthodes de macérations utilisées et les résultats obtenus. Les produits utilisés rentrent dans la classification des PNPP, les Préparations Naturelles Peu Préoccupantes.

Macération d’ail

L’ail est utilisé en tant que répulsif, de par son odeur, et permet de remplacer les insecticides. Il est broyé et mis à macérer avec de l’huile de colza pendant 24h. La recette précise est donnée dans la vidéo. Il est utilisé en préventif contre les altises, au moment des toutes premières attaques, et épandu le soir en mélange avec du savon noir d’huile de lin et d’olive. L’huile d’olive est plus épaisse et a un effet plus curatif.

Extraits fermentés d’ortie et de consoude

Les extraits fermentés d’ortie et de consoude peuvent être utilisés en mélange (ortie + consoude) ou séparément. Il faut mettre 10 kg de plante dans 100L d’eau. Une attention particulière doit être portée sur la qualité de l’eau. Il y a 2 méthodes de fermentation : en anaérobie avec bâche, ou dans un bidon en « semi-anaérobie », c’est-à-dire qu’on n’injecte pas d’oxygène mais la surface est en contact direct avec l’air. Avec cette dernière méthode, on peut suivre la fermentation plus facilement (odeur, couleur).

Suivi des fermentations par Redox

Le suivi de la fermentation se fait aussi par mesures redox et pH. La croix de redox – pH d’Olivier Husson est présentée. Le redox du produit doit toujours être le même pendant le stockage et surtout avant la pulvérisation, entre -100 et +100. Cela garantit de fournir les éléments nécessaires à la plante pour réduire son rédox et ainsi faire diminuer sa vulnérabilité aux maladies. En effet, les maladies se développent en milieu au pH basique et redox élevé, c’est-à-dire dans un milieu oxydé. Les extraits fermentés appliqués en préventif permettent de ramener la plante dans des conditions plus défavorables au développement des maladies. Par ailleurs, les PNPP stimulent les défenses immunitaires de la plante et permettent d’épaissir les cuticules, barrière aux pathogènes.

Résultats d’essais

Depuis 2016, des essais ont été mis en place sur la ferme pour tester ces produits. Les différentes modalités sont les suivantes :

  • Passages d’extraits fermentés d’ortie uniquement
  • Passages de fongicides chimiques uniquement
  • Combinaison de passages d’extraits fermentés d’ortie avec des fongicides chimiques
  • Témoin sans aucun traitement

Les résultats ont montré en 2016 un gain de 17 quintaux par hectare entre le témoin sans rien et la modalité avec simplement les passages d’ortie. Entre le tout chimique et la combinaison ortie + chimique, les rendements étaient identiques, soit 15 quintaux supplémentaires qu’avec de l’ortie uniquement.

Aujourd’hui, sur cette ferme, les passages des premiers fongicides chimiques ont donc été supprimés et remplacés par les macérations d’ortie, et les passages suivants (dernière feuille étalée et épiaison) sont pulvérisés à demi dose de fongicide chimique. Le coût a été divisé par 2 pour cette ferme, arrivant aujourd’hui à 40€/ha pour le passage d’un fongicide.

Investissements, avantages et gains

Les investissements sont évoqués : les cuves ont été ici récupérées, et le plus gros investissement a été le redoxmètre (300€ environ).

L’utilisation de ces PNPP a ici entrainé un gain économique mais aussi environnemental, avec une baisse des IFT qui a permis d’obtenir la certification HVE de niveau 3. Par ailleurs, cela a permis une baisse des strobilurines (molécules utilisées comme fongicides) dans les plantes cultivées et donc une meilleure dégradation des pailles.

Par rapport à un produit acheté dans le commerce, le coût de production d’un extrait fermenté d’ortie à la ferme est ici de 0,02€ par litre, alors que dans le commerce c’est 5 à 6€ le litre.

Points de vigilances à l’utilisation des PNPP

Être bien formé est un point important pour ne pas faire d’erreur dans la macération et son suivi. Le plus gros risque est la putréfaction du produit, ou la pulvérisation d’un produit aux valeurs de pH et Redox mauvaises ou au mauvais moment. Cela peut alors être contreproductif et développer les maladies.

Une attention particulière doit être portée sur la qualité des plantes utilisées et de l’eau.

 

Pour plus d’infos sur les PNPP et leurs essais, rendez-vous sur le site de l’association ASPRO PNPP : https://aspro-pnpp.org/